vendredi 11 octobre 2013

Canada, le féminicide des amérindiennes sans solution ?

Le féminicide des originaires 
du Canada : 
une honte toujours sans solution

Par Laia Farrera (*)

La violence, le racisme, et la pauvreté touchent de manière disproportionnée les femmes amérindiennes au Canada, lesquelles selon les statistiques ont une plus grande probabilité de mourir de façon violente que les femmes non originaires. Tout au long des dernières décennies au moins 580 femmes d’ascendance amérindienne ont disparu ou ont été assassinées au Canada. Aux alentours des 40 cas documentés se sont déroulés sur la tristement connue « route des pleurs », longue de 800 kilomètres sur le réseau autoroutier n°16.

Le parcours de cette route passe par de nombreuses localités amérindiennes situées entre les états du Manitoba et de la Colombie britannique, où réside une grande partie de la population native. Selon diverses études, la composante de l’origine (amérindienne) alliée à la pauvreté augmente le risque des femmes canadiennes à être agressées, enlevées ou assassinées.

La cause principale de marginalisation est la délocalisation des terres amérindiennes et la vulnérabilité économique des femmes natives, qui aujourd’hui sont entre 44 et  47% sous le seuil de pauvreté au Canada (selon, qu’elles vivent ou non dans une réserve). Les départs et déplacements détruisent la forme traditionnelle de vie et ils portent préjudice à la capacité des originaires à s’auto alimenter.

Ainsi, beaucoup de femmes se voient obligées de laisser leur communauté d’origine – et souvent, leurs enfants – pour trouver un travail ou continuer leurs études dans des centres urbains. De cette manière, elles laissent aussi derrière une part de leur culture dans la lutte pour trouver dans leur environnement un travail non lié à leurs origines et elles se voient cantonnées à des emplois précaires, à des logements dans des zones non sûres ou  marginales des villes et (elles doivent faire face) l’inégalité et le racisme systémique forgé sur la base d’années de politiques discriminatoires.

« Les femmes originaires représentent seulement 4% de la population  totale des femmes canadiennes, mais selon un rapport de la CanadianFeminist Alliance for International Action, dans un cas sur dix les femmes assassinées sont jeunes, amérindiennes et résidant dans une ville de l’ouest, faisant que ce chiffre est significativement élevé.

Le même rapport note que les femmes originaires ont plus de possibilité d’être assassinées que les femmes non autochtones et finalement, que la police intervient moins fréquemment et plus tard dans les cas de femmes amérindiennes, dont 70% des crimes restent sans être résolus. »

Les traces des politiques assimilationniste dérivés de la colonisation européenne impliquèrent la rupture des liens familiaux, la destruction de la culture, le départ des terres réservées ou le départ obligé des femmes après avoir contracter un mariage, sont en relation avec l’actuelle vulnérabilité des femmes et des enfants amérindiens, qui de nos jours doivent faire face à des défis basiques comme la survie ou la sécurité.

La colonisation et l’« Acta India »

La coexistence  entre les peuples originaires et de la couronne britannique s’est vue déterminée au moyen d’accords de coexistence pacifique reconnus par la loi, et réalisés dans de présupposées conditions d’égalités à partir de 1781.

Le véritable contrôle gouvernemental sur la vie des peuples natifs débuta en 1876, quand le gouvernement fédéral approuva l’Acta India, établissant un statut d’infériorité sociale aux peuples originaires.

L’ « Acta India » régule presque tous les aspects de la vie des originaires confinés à leurs réserves au sein de la Couronne et sous la tutelle de l’Etat. Par absence de statut légal, ils eurent des droits civils particuliers, les empêchant de voter, leur niant toute saisie des tribunaux de justice. Ils ne pouvaient posséder ou commercer des titres de propriété ou développer n’importe quel type d’activité  commerciale ou de n’importe quelle nature, et c’est aussi le gouvernement en dernière instance, qui décidait de qui pouvait être considéré comme amérindien et attribué le statut comme tel.

Jusque-là, dans beaucoup des systèmes traditionnels, les femmes profitaient d’une pleine participation à la vie familiale et au mariage, à la politique, dans la prise de décision et la vie cultuelle.

Les lois fédérales ont introduit des changements affaiblissant de façon discriminante les droits des femmes dans les communautés locales, réduisant ainsi leur autonomie et leurs rôles traditionnels. Par exemple, si une femme native épousait un homme non originaire, elle perdait son statut et ses droits comme autochtone. Il n’en était pas ainsi dans les mariages fait par des hommes autochtones avec des femmes non originaires.

Ou bien, si une femme épousait un homme d’un autre groupe natif, elle perdait ses droits  comme autochtone de sa nation d’origine et se voyait rayer du présent registre pour l’inscrire dans la nation de son mari.

L’effet et à long terme fut la réduction du nombre de statuts autochtones, l’imposition du système patrilinéaire (1) européen et l’élévation du pouvoir et de l’autorité des hommes en lieu et place des femmes au sein de leurs communautés.

Le résultat fut une grave altération des systèmes familiaux traditionnels, du lignage par descendance matrilinéaire et matriarcale, à un lignage de résidence post-marital. De plus, personnifiant et imposant le principe, que les femmes amérindiennes et leurs enfants, à égalité des femmes européennes et leurs enfants, elles sont devenues elles aussi, sujets de leurs pères et maris.

L’héritage des écoles résidentielles

A partir de 1883 le gouvernement canadien met en œuvre le système des écoles résidentielles pour les enfants amérindiens, elles avaient pour objectif d’éliminer la culture des peuples natifs. Entre 1883 et 1994, plus de 150.000 filles et garçons amérindiens furent séparés de leurs familles à partir de l’âge de 6 ans.

Tous et toutes souffrirent d’abus physiques, psychologiques, sexuels, émotionnels et spirituels. Il est estimé que les coups corporels, la torture physique, l’inanition (manque de nourriture), la stérilisation forcée, l’exposition délibérées aux maladies et la négation et la négligence médicale, furent les causes de la mort d’au moins 50.000 enfants originaires. 

Qui jamais ne retournèrent à leurs foyers pendant que les survivants durent affronter de lourdes séquelles psychologiques et sociales, comme les addictions, l’alcoolisme, la dépendance, la mésestime, le suicide, la prostitution, les abus sexuels et la violence.

En plus de la perte de la culture et des valeurs traditionnelles, se brisèrent les liens familiaux et privés avec les mères et grand-mère natives, de leur rôle de donneuse d’affection, de maîtresses et de guides, de la même manière, privant les filles  et les garçons d’apprendre au moyen traditionnel de l’observation et de l’ interaction avec leurs familles, sachant que le lien affectif avait déjà disparu.

Finalement, la méconnaissance de la langue toucha la capacité des enfants à communiquer avec leurs anciens et limitant ainsi leur accès à des enseignements culturels et spirituels.

Dans les années 1960, les familles ont été l’objet, d’un autre ensemble de pratiques et des politiques discriminatoires connues, comme la « révélation sur les amérindiens des années 1960 » (The60’s Scoop).  Où comment  les enfants ont été retiré de leurs familles  (jusque dans les années 1980),  et  remis à des agences d’adoption, des centres d’accueil, puis adoptés par des familles  blanches et, ils perdirent de nouveau le contact avec leurs communautés d’origine, qui à leur tour se retrouvèrent sans enfants.

Mobilisation sociale

Avant le manque de coordination et le manque de mesures de la police, ce sont les organisations civiles et humanitaires, spécialement autochtones (las indígenas), qui ont mis en marche les recherches sur les femmes disparues (investigacionessobre las mujeres desaparecidas) -  par un rapprochement et la collaboration des familles de victimes ;
- la création de base de données pour le recouvrement d’informations ; -  des protocoles appropriés aux résultats policiers.

Et ce, grâce à Amnesty International, qui fit connaître en 2004.cette affaire à l’opinion publique canadienne au moyen du rapport sur les « sœurs Stolen » (StolenSisters).

Et des marches chaque 4 octobre, le jour anniversaire de la disparition et de l’assassinat de de Gladys Tolley, qui a eu pour résultat une certaine visibilité sur le féminicide des amérindiennes  auprès de l’opinion publique canadienne. Et suite à la pression de la société civile sur le gouvernement fédéral, pour qu’il agisse, et réalise une enquête pour faire la lumière sur les crimes et promouvoir les droits à la sécurité de toutes les femmes.

Des enquêtes pour le moment, que l’administration du Premier ministre Harper (Harpersigue siendo renuente) continuent à rechigner.



Note :

 (*) Journaliste spécialisée en communication pour la construction de la paix dans les conflits internationaux. Analyste et chercheuse à l’Observatoire sur la couverture des Conflits à l’Université Autonome de Barcelone dans le domaine des abus infligés aux femmes dans un contexte de haute violence et de désastres humanitaires. Et  sur les sujets amérindiens ou autochtones, mouvements sociaux et alternatives pacifiques au capitalisme.

(1) Patrilinéaire : « Se dit d'un mode de filiation pour lequel seule compte la parenté paternelle. (Le nom, les privilèges, l'appartenance à un clan ou à une classe se transmettent du père et des parents du père aux enfants ; aucun droit n'est reconnu aux parents du côté maternel.) ».


Source d’origine : United Explanations