mercredi 7 août 2013

Chili, mort étrange d'un jeune fugitif mapuche en Araucanie

Le Sang Mapuche coule, 
une fois de plus, 
 à Chiguaihue

Par Martin Correa (*)



Le 6 août 2013, Rodrigo Elicer Melinao Licán, jeune Mapuche (de 26 ans) de la Communauté Rayen Mapu, dans le Chiguaihue, commune de Ercilla, est mort assassiné dans une zone très militarisée, près du poste de contrôle des forces spéciales de police Pidima et, où la nuit, seuls les véhicules de police ont le droit de circuler, ainsi que l’ont déclaré les familles mapuches victimes des raids policiers quotidiens. 

Rodrigo Melinao Licán avait été condamné, le 24 juillet 2013, à 5 ans et un jour de prison pour le délit d'incendie de forêt, et de 541 jours pour dommages causés à deux bus et un camion-citerne.  

Des faits qui se sont déroulés en 2011, dans le secteur de Chiguaihue, pendant un procès mené par le procureur anti-mapuche Luis Chamorro, dans un procès que les communautés mapuches considèrent irrégulier et fondé sur un montage policier, raison pour laquelle Rodrigo Melinao a décidé de résister en clandestinité.

Cependant, la mort des « comuneros mapuches » et la militarisation des contreforts du mont Chiguaihue ne sont pas nouveaux. Selon l'histoire et la mémoire de la communauté, au milieu du XIXe siècle, il y avait dans les contreforts du mont Chiguaihue un important  lof Mapuche qui s'étendait entre la rivière Malleco et Huequen. dont l'autorité principale était le Lonko Pillan. Ce territoire fut la porte d'entrée de l'armée d'occupation de l'Araucanie  vers le sud du fleuve Malleco.

En 1865, le colonel Basil Urrutia, pour parer le soulèvement dirigé par le Lonko Kilapan, a dépêché une division de 800 hommes à Chiguaihue et Collico, sous le commandement  du lieutenant-colonel Pedro Lagos qui déclara alors

«... je me mets en route  vers Malleco avec 800 hommes, qui représentent 150 d'infanterie de ligne, 28 grenadiers à cheval, des escadrons 3 et 4 de la section I5 et 6 de la Laja. Cette force est entrée dans les coins de Chiguaihue avec 200 hommes.  Notre mission s'achève aujourd'hui, et nous avons, pendant tout ce temps, puni les indiens en détruisant leurs maisons et plantations ; j'ai pris leurs terres. Plusieurs vieilles femmes indiennes, prises dans les bois, ont été libérées afin qu’elles informent les réductions indigènes que le pouvoir est prêt à punir et poursuivre tous ceux qui commettent des déprédations parmi les populations et champs des chrétiens ».
 
En 1962, Carlos Collio est tué par les tirs de Ignacio Silva Correa, l’ancien propriétaire du « fundo » Chiguaihue, qui est arrêté quatre jours seulement. Toutefois, les Mapuches, décidés à récupérer leur terre, encore et encore, occupent le terrain. Ce sera le coup d'envoi d’une mobilisation mapuche longue et soutenue dans le processus de récupération de leur territoire.
 
Puis le 7 novembre 2002, Alex Lemun est tué par le major Marco Aurelio Treuer Heysen, alors qu’environ 40 personnes de la communauté Montitui Mapu (dont la moitié composée de vieillards, de femmes et d’enfants) occupent la ferme de Santa Alicia, une partie de l'ancienne  ferme Chiguaihue.

Le 12 août 2009, Jaime Facundo Mendoza Collio, 24 ans, est tué d’une balle dans le dos par Patricio Jara Muñoz, membre des forces spéciales de police de Santiago, alors que la police repousse une action d’occupation d'un groupe de familles de la communauté Pillán Rekem sur la ferme San Sebastian, également partie de l'ancien Lof agricole Chiguaihue. Les deux policiers sont actuellement libres.

Aujourd'hui, les familles mapuches de Chiguaihue ont perdu  Rodrigo Melinao Lican, un autre de leurs frères, dans une histoire qui se répète et qui est le résultat de la répression et de la militarisation du territoire.

Vers elles, j’adresse mes sentiments de douleur et de solidarité, et mes plus profonds respects.


Note : 

(*) Historien, co-auteur du livre Las Razones del Illkun


Source : Comité Mapuche de Belgique