jeudi 25 juillet 2013

Brésil, lettre des peuples Amérindiens à Mme Rousseff

Texte des leaders 
des communautés 
Amérindiennes du Brésil

Traduction de La Maison des Droits de l’Homme

Mme la Présidente, Nous leaders autochtones de différents peuples autochtones et les organisations de différentes régions du Brésil, sommes réunis en cette occasion historique avec votre excellence dans le Palais du Gouvernement, en nombre réduit mais suffisamment informés des problèmes connaissant, plus que quiconque, les souffrances, les besoins et les aspirations de nos peuples et communautés. Nous vous présentons de façon urgente, après une si longue attente, les considérations et les créances suivantes, qui nous l'espérons, seront accueillies par votre gouvernement reconnaissant la dette sociale de l'Etat brésilien pour nous, après des siècles d'une colonisation sans fin, marquée par des politiques et des pratiques de violences, de meurtres, de dépossessions, de racisme, de préjugés et discriminations. 

Nous sommes ici, une petite mais importante manifestation de la diversité ethnique et culturelle du pays, composée de 305 différents peuples autochtones parlant 274 langues différentes avec une population d'environ 900.000 habitants selon l'IBGE. 

Au nom de ces personnes :

- Nous réaffirmons notre rejet de l'accusation d'être des obstacles au développement du pays, au mépris total de notre contribution à la formation de l'Etat national brésilien, dans la préservation d'un patrimoine naturel et enviable socioculturel, comprenant les frontières actuelles du Brésil, dont nos ancêtres gardiens sont issus. Contrairement à ceux qui nous accusent de mettre en péril l'unité , l'intégrité territoriale et la souveraineté de notre pays.

- Nous refusons toute la série d'instruments politiques et administratives, judiciaires, juridiques et législatives, qui cherchent à détruire et anéantir nos droits conquis par la lutte et les acrifice depuis 25 ans, les chefs et les dirigeants qui sont venus avant nous, au cours de la période de la constituante.
 
- Nous sommes totalement opposés à toute tentative de modification des modalités de la démarcation des terres indigènes qui sont actuellement parrainées par des secteurs de votre gouvernement en particulier le bureau civil et procureur général de l'union (AGU), avec la pression pour répondre aux intérêts des ennemis historiques de notre peuple, envahir nos territoires, aujourd'hui expressément représentés par l'agro-industrie, les notables ruraux, les exploitants miniers et du bois , les entrepreneurs, entre autres.
 
- Nous n'accepterons pas des reculs dans la protection de nos droits par le biais d'initiatives législatives qui peuvent condamner nos peuples à des situations de misère, l'ethnocide et le conflit sont déjà en oeuvre dans toutes les régions du pays, principalement dans le Sud et dans l'État du Mato Grosso do Sul.
 
- Nous rejetons la façon dont le gouvernement veut faciliter un modèle de développement déployant à tout prix dans nos territoires des travaux d'infrastructure dans les transports et la production d'énergie, tels que les autoroutes, les voies ferrées, les voies navigables, ports, centrales électriques, lignes de transmission, manquant de respect pour notre vision du monde, notre façon particulière de relation avec Mère Nature, nos droits originels et fondamentaux, garantis par la Constitution, la Convention 169 et la Déclaration des Nations Unies.
 
Revendications: Dans ce manifeste, nous exprimons les revendications suivantes :
 
1. L'implication du gouvernement avec comme base le dépôt des amendements proposés à la Constitution (PEC) 038 et 215 qui ont l'intention de transférer au Sénat et le Congrès respectivement la compétence pour délimiter les terres autochtones, usurpant la prérogative constitutionnelle de l'exécutif.
 
2. Nous revendiquons la même procédure concernant le PEC 237/13 pour légaliser le bail de notre terre, le PL 1610-1696 minier sur les terres autochtones, le PL 227/12 portant modification de la délimitation des terres indigènes, parmi beaucoup d'autres initiatives visant à inverser nos droits constitutionnels.
 
3.Le gouvernement devrait renforcer et donner toutes les conditions nécessaires pour que la Fondation Nationale des Indiens (FUNAI) remplisse son rôle de démarcation, de protection et de surveillance de toutes les terres indigènes, dont la responsabilité est encore immense dans toutes les régions du pays, ainsi qu'en Amazonie où le problème est supposé être résolu. Nous n'admettons pas que la FUNAI soit disqualifiée ni que l' Embrapa, Ministère de l'Agriculture et d'autres organismes, ignorent les questions autochtones, en évaluant et soi-disant contribuant à des études anthropologiques menées par une agence seulement pour répondre aux intérêts politiques et économiques, comme l'a fait le gouvernement précédent militaire en instituant l'infâme "grupão" le MIRAD, de «discipliner» la FUNAI et «évaluer» les revendications autochtones.
 
4. Pour la démarcation des terres indigènes, nous proposons la création d'un groupe de travail, avec la participation des peuples et organisations autochtones dans le cadre du ministère de la Justice et la Funai pour faire une cartographie, définir des priorités et des objectifs spécifiques de démarcation.
 
5. Nous n' acceptons pas la proposition de création d'un Secrétariat pour réunir la FUNAI avec le service spécial de santé des Autochtones(SESA), portant préjudice au rôle distinct de chaque organisme .
 
6. Nous exigeons l'abrogation de toutes les ordonnances et les décrets qui menacent nos droits autochtones et l'intégrité de notre territoire, la vie et la culture de notre peuple et des communautés:
 
6.1. Ordonnance 303 du 17 Juillet 2012, à l'initiative de l'exécutif, par le procureur général (AG U) dont l'application s'étend à tort à toutes les terres avec une applicabilité fixée par la Cour suprême (STF) dans le procès de l'affaire Raposa Serra do Sol (Pétition 3.388/RR), qui n'est pas encore devenue définitive.
 
6.2. Ordonnance 2498 au 31 Octobre 2011, qui détermine l'assignation des entités fédérées pour participer aux procédures d'identification et de délimitation des terres autochtones, et le décret 1.775/96 qui établit déjà le droit de l'adversaire .
 
6.3.Ordonnance 419 interministérielle du 28 Octobre 2011, qui limite la période pour les agences et les organismes publics de rationaliser la licence environnementale des projets d'infrastructures qui affectent les terres indigènes.
 
6.4. Décret n ° 7957 du 13 Mars 2013. Il est crée le Bureau Permanent de la Gestion intégrée pour la protection de l'environnement requérant les activités des forces armées en matière de protection de l'environnement et modifiant le décret n ° 5289, du 29 Novembre 2004. Avec ce décret, «préventive ou répressive», sont crées des opérations environnementales de la Force nationale de sécurité publique, ayant comme l'une de ses fonctions "aider dans les enquêtes en cours et des rapports techniques sur les impacts négatifs sur l'environnement." En pratique, cela signifie la création d'un instrument de répression étatique militarisé contre toute personne et contre tous les peuples autochtones, les communautés, les organisations et mouvements sociaux qui décident de s'opposer à des actions qui impactent leur territoire.
 
7. Nous demandons également au gouvernement des politiques spécifiques brésiliennes publiques, efficaces et de qualité dignes de nos peuples qui depuis des temps immémoriaux exercent un rôle stratégique dans la protection de la Mère Nature, en contenant la déforestation, la préservation des forêts et la biodiversité, et bien d'autres richesses qu'abritent les territoires autochtones.
 
- En matière de santé, rendre efficace le secrétariat spécial de santé des Autochtones et les districts DSEI afin de surmonter les différents problèmes de gestion, le manque de professionnels , de concours spécifique pour les indiens, un plan indigène pour l'emploi et les salaires, les soins de base dans les villages entre autres.
 
- Dans l'enseignement, la législation qui assure l'éducation spécifique et différenciée doit être respectée et mise en œuvre avec des ressources suffisantes pour le faire et doit être immédiatement appliquée la loi 11.645, qui traite de la diversité de l'enseignement obligatoire dans les écoles.
 
- Dans le domaine du développement durable, doit être mis en place un comité de pilotage
d'installation PNGATI et d'autres programmes spécifiques à nos peuples, avec son propre budget.
 
- Pour la mise aux normes, la coordination, la supervision et la mise en œuvre d'autres politiques qui nous touchent, la mise en place immédiate de la Politique nationale indigène (CNPA), dont le projet de loi (3571/08) n'a pas jusqu'ici été adopté par la Chambre des représentants.

8. Nous revendiquons que le Gouvernement respecte les accords et les engagements pris au titre de la Commission nationale sur la politique indigène (CNPA), concernant le traitement et l'approbation du statut des peuples autochtones au Congrès.

9.Considérant que la présente réunion avec Votre Excellence se passe dans le cadre de nombreuses autres manifestations à travers le pays, nous exprimons notre solidarité avec d'autres luttes et des causes sociales et populaires comme nous qui ont soif d'un pays différent, pluriel et véritablement juste et démocratique. Aussi par la réglementation et la protection des terres des Quilombos, des territoires de pêche et d'autres communautés traditionnelles, et non par l'urgence de la PL du nouveau cadre réglementaire pour l'exploitation minière, afin d'assurer la participation de la société civile dans le débat sur ce sujet si délicat et stratégique pour la nation brésilienne.

10. Nous réaffirmons notre détermination à renforcer nos luttes continuant notre vigilance et nous sommes prêts à partir pour la confrontation politique, même à risquer nos vies, mais également nous réitérons notre volonté d'ouvrir un dialogue franc , pour la défense de nos territoires, de la Mère Nature et le bien de nos générations actuelles et futures autour d'un plan gouvernemental pour les peuples autochtones, avec des objectifs concrets et des priorités à mettre en oeuvre avec nous.
 
11. Nous appelons, enfin, nos parents, les dirigeants, les peuples et les organisations, les alliés de toutes les parties, à s'unir avec nous pour éviter l'extinction programmée de nos peuples .
 
Brasilia, le 10 juillet 2013


Source d'origine : Maison des Droits de l'Homme