lundi 18 mars 2013

Hugo Chavez, histoire de ses relations avec le Pérou

Hugo Chávez 
et 
le Pérou



Par Juan Arellano – traduction de Henri Dumoulin

Tout le monde le sait maintenant, Hugo Chávez, président du Venezuela, est mort le 5 mars 2013, néanmoins, peu de gens  peut-être connaissent l'histoire des relations entre Chavez et le Pérou. Cette histoire a commencé en 1974, lorsque Hugo Chavez est arrivé au Pérou au titre de cadet au sein de la délégation militaire du Venezuela, pour commémorer les 150 ans de la bataille d'Ayacucho.

C'est probablement de ce moment que date son admiration pour le général  Juan Velasco Alvarado, alors président du pays, à la tête d'un gouvernement révolutionnaire des forces armées. Par la suite, en 1992, le Président Fujimori (ci-contre) donna asile aux 93 militaires vénézuéliens, partisans de Chávez, qui tentèrent sans succès un coup d'Etat contre Carlos Andrés Pérez.

Le deuxième fait marquant de cette relation s'est produit pendant l'année 2000, alors que des rumeurs circulaient sur la protection accordée par le régime de Chavez, alors président du Venezuela, à Vladimiro Montesinos, réfugié politique après avoir été  conseiller du président du Pérou Alberto Fujimori.

La campagne électorale présidentielle au Pérou en 2006 a vu intervenir Hugo Chávez dans l'arène politique de ce pays par son appui plus qu'évident au candidat Ollanta Humala. Pourtant Humala n'a pas gagné cette élection et lors de sa candidature aux élections de 2011 qu'il a gagnées, il a évité de faire référence à ses relations avec Chávez. Néanmoins c'est depuis 2006 que fonctionnent au Pérou des Maisons de l'aube, une organisation à but humanitaire accusée à plusieurs reprises d'être en réalité l'instrument d'une ingérence, d'une infiltration du “chavisme” dans le pays.

Un autre fait qui alimente les spéculations fut l’apparition au Pérou de boîtes de conserves de poisson portant des portraits de Humala et de Chávez, soit-disant dans le cadre d'une aide aux sinistrés du tremblement de terre de Pisco en 2007. L'aide de Chávez aux sinistrés ne s'arrête pas là. Dans le cadre d'un projet immobilier baptisé « Simón Bolívar » il offrit 100 maisons aux habitants de la ville à moitié détruite de Chincha. Ceux-ci ne manquèrent pas de souligner le contraste entre ce geste et le peu de soutien obtenu du gouvernement alors présidé par Alan García.

On peut ainsi comprendre que le président vénézuélien ait provoqué par ses initiatives politiques au Pérou des réactions plus importantes qu'ailleurs. Dans ce pays, la majeure partie de la classe politique à l'exception de la gauche n'a pas sympathisé avec lui, il n'était pas bien vu non plus dans la presse avec les mêmes exceptions à gauche. Pourtant les réaction dans les blogs à l'annonce de sa mort ont été assez modérées.

Par exemple Jorge Enrique Seoane Morla, de Metro Press & Photo, s'interroge sur le futur des pays qui recevaient une aide du Venezuela sous le régime, et déclare :

    A tort ou à raison, il a prétendu être le fédérateur de l'Amérique Latine autour de lui au sein d'une “Révolution Bolivarienne” en laquelle les intellectuels et les historiens du Pérou ne croient pas. Ils pensent que l'action de Simón Bolívar a été néfaste au intérêts de leur pays (……) Heureusement, le Pérou de Ollanta Humana (et de Nadine son épouse) a pris ses distances avec le Venezuela et l'infiltration par les “maisons de l'aube” : nous sommes libres!

Le blogeur Luis Vigil a republié, il y a quelques temps un article d'un historien, Antonio Zapata, portant sur la relation entre Chávez et Fujimori :

    Il y a des médias qui ne veulent pas s'en souvenir mais Humala n'est pas l'allié principal d'Hugo Chávez dans notre histoire politique, c'était plutôt Fujimori. Un régime autoritaire a créé des liens fraternels entre le Pérou des années 1990 et le Venezuela de la République socialiste et bolivarienne.

Juan Acevedo, caricaturiste péruvien bien connu, fait une petite analyse du phénomène Chávez sur son profil Facebook, il  termine ainsi :

   Quand  Chávez est arrivé, il m'est apparu bien intentionné et imprudent. C'était d'abord un soldat qui se battait et en  faisait beaucoup ( …..)  Chávez comme Fidel Castro, Velasco et d'autres, sont tous les mêmes , ils croient qu'ils pourront changer l'histoire, ils entrent totalement dans ce rôle, il font évidemment des erreurs, et des grosses, mais ils vont jusqu'au bout. D'autres ne font que s'adapter comme ceux qui se prétendent réformistes. Espérons que nous ne cesserons jamais de croire que nous pourrons changer ce qui est injuste, ce qui est mauvais, ce qui est faux….

Le professeur et journaliste Hugo Neira se souvient du Venezuela qu'il a connu autrefois et cite ses propres articles :

    Je n'ai jamais aimé ce que j'ai vu : l'extrême décomposition sociale d'un des pays non seulement les plus riches du continent mais aussi bénéficiaire d'une rente pétrolière enviable. J'ai vu cette dégradation de la vie sociale au Venezuela au milieu de la splendeur de ses classes moyennes. Ils étaient aveugles à la pauvreté sur les collines, au désarroi des miséreux face aux nantis qui ne méritaient pas leur fortune. Il est arrivé ce qui est arrivé: Chávez s'est imposé: “Il est venu, l'homme des savanes, il n'est plus seul, il est là pour longtemps, il a à peine 50 ans, il va redistribuer les dividendes de la rente pétrolières vers le bas, vers le peuple. La méthode ne convient peut-être pas à tout le monde, mais c'est ce qui arrive aux pays qui vivent de rentes, le Venezuela aujourd'hui, l'Argentine hier, quand l'égoïsme de la société laisse se créer une masse énorme d'exclus.

Neira continue :

    Je n'aimais pas Chávez, je n'aimais pas non plus le Venezuela d'avant Chávez, c'est aussi simple que cela (….) Chávez a été plébiscité pour corriger une démocratie corrompue mais il a inventé la “démocratie directe” , en fait tout ce qui devenait direct a cessé de l'être. Il n'aimait pas les mots “compromis ou médiation”, en fait ce qui manquait au Venezuela et ce qui est l'essence de toute véritable politique. Chávez est un politique de l'anti politique comme le sera Fujimori. On l'a appelé pour soigner la peste, il a apporté le choléra. Et pourtant personne n'a complètement raison, ni l'opposition ni les chavistes, chacun porte sa part de la réalité souffrante du Vénézuela.

Par-delà toute opinion politique, le Pérou a accueilli avec respect l'annonce de la mort de Hugo Chávez. Le Congrès de la république a demandé une minute de silence à sa mémoire, alors que beaucoup considéraient qu'il avait été un dictateur. Autour de l'ambassade du Venezuela à Lima, des sympathisants se sont regroupés pour manifester leur chagrin et lui rendre un dernier hommage. Le gouvernement, pour sa part a décrété trois jours de deuil national, et le Président Humala a pris la tête d'une délégation qui s'est rendue à Caracas pour les funérailles du président Chávez. D'autre part le maire provincial de Chincha  a fait part de la décision d'ériger un buste en l'honneur du président vénézuelien.


Source : Global Voices
Billet original publié sur le blog  
Globalizado de Juan Arellano.
Photo en Une de Juan Arellano