vendredi 29 mars 2013

Colombie, mines antipersonnels et vies à reconstuire

 Nouvelle vie pour des victimes
 de la contamination
 par les armes


Par le Comité International de la Croix Rouge

En 2012, en Colombie, le CICR est venu en aide à plus de 200 victimes de la contamination par les armes. Bon nombre de ces personnes ont dû abandonner leur foyer, ont perdu leurs moyens de subsistance ou sont devenues incapables de travailler et tentent de survivre avec de graves séquelles physiques et psychologiques. Trois des personnes qui ont bénéficié du soutien du CICR à Florencia, dans le sud-est de la Colombie, nous racontent comment elles s’efforcent de surmonter les difficultés qu’elles rencontrent.

Il est 13 h 40 et Alberto Montenegro se prépare pour sa séance de physiothérapie à l’hôpital de Florencia (département de Caqueta), dans le sud-est de la Colombie. Il porte un soin tout particulier à régler les derniers détails, car il sait que la réussite de sa réadaptation et la pose de sa prothèse en dépendent. Ses amis Hector et Aldemar, qui vont l’accompagner, l’attendent patiemment sur le pas de la porte.

Alberto, Hector et Aldemar sont agriculteurs et ont presque toujours vécu dans les régions rurales du département de Caqueta. L’amitié qui les lie aujourd’hui est le fruit d’un accident dû à la contamination par les mines, conséquence du conflit armé.

Comme l’explique Rodrigo Marles, assistant du CICR à Florencia, « on parle de contamination par les armes pour indiquer la présence de mines antipersonnel, de restes explosifs de guerre et d’engins explosifs improvisés dans une zone déterminée ». Bien que difficile à estimer, le nombre de victimes de la contamination par les armes est impressionnant. Rien qu’en 2012, dans les départements couverts par la sous-délégation de Florencia (Huila, Caqueta et Putumayo), le CICR a enregistré 63 victimes civiles.

23 décembre 2009 : mort, déplacement et incertitude

Hector Marin Perdomo vivait dans sa propriété depuis 23 ans. « Un jour, alors que nous déplacions le bétail d’un enclos à un autre, mon fils a trouvé un engin explosif. À peine l’avait-il touché que l’engin a explosé, le tuant sur le coup. Je me trouvais à une vingtaine de mètres et j’ai été grièvement blessé. Je suis resté à l’hôpital pendant 29 jours et je dois encore subir une opération. »

Hector et sa famille se sont alors installés à Florencia, où ils sont restés 18 mois avant de s’en aller exploiter une propriété dans une autre région. « Le changement a été très dur, car nous n’étions pas habitués à vivre dans une ville ou un village. »

Les mines antipersonnel, les restes explosifs de guerre et les engins explosifs improvisés ont aussi d’autres conséquences humanitaires », déclare Rodrigo Marles. « Les communautés se déplacent ou sont isolées. Elles vivent dans la crainte et ont des difficultés à accéder aux services de santé. Le taux d’abandon scolaire est très élevé. À cause de la contamination par les armes, les habitants ne peuvent pas accéder à leurs terres et voient leurs revenus diminuer. »

23 mars 2008 : une lutte permanente

La veille de son accident, José Aldemar Vasquez avait entendu des combats dans la zone. Ce qu’il ne savait pas, c’est que traverser la zone pouvait donc être dangereux. Près de cinq ans après son accident, il a encore aujourd’hui des séquelles. « Mon pied me gêne depuis plus de quatre ans avec des mouvements incontrôlés », se plaint-il. « Je passe mon temps à lutter. »

Aldemar peut pourtant se considérer heureux ne pas avoir perdu de membre comme la plupart des victimes de la contamination par les armes.
27 février 2011 : une nouvelle vie

Alberto se rappelle bien les moments difficiles qu’il a vécus après son accident. Il se sentait mal dans sa peau. Il pensait qu’il allait mourir et il ne connaissait personne à Florencia. Le temps a aidé à guérir les blessures. « Tout a changé du jour au lendemain, quand je suis arrivé au foyer Henry Dunant de la Croix-Rouge colombienne. J’y ai reçu le soutien de plusieurs institutions. Aujourd’hui, je suis des séances de physiothérapie et je marche beaucoup mieux : j’ai une nouvelle vie devant moi. »

L’action du CICR dans le domaine de la contamination par les armes revêt deux aspects. D’une part, l’institution aiguille les victimes dans le système de prise en charge, les informe de leurs droits et leur apporte un soutien financier pour les aider à couvrir leurs frais d’hébergement, de nourriture et de transport pour toute la durée des soins. D’autre part, le CICR mène des activités de prévention et organise des ateliers à l’intention des communautés afin de leur apprendre à adopter des comportements plus sûrs.

Dans le cadre d’un dialogue confidentiel, le CICR rappelle aux acteurs armés l’obligation qui leur incombe de protéger et de respecter la population civile, ainsi que de se limiter aux moyens et méthodes de guerre autorisés par le DIH. Il aborde également avec eux la question des effets et des conséquences humanitaires de l’emploi et de l’abandon d’armes explosives.

Alberto, Hector et Aldemar savent que leur vie ne redeviendra jamais comme avant leur accident. Ils sont heureux des promesses d’aide formulées par les autorités et espèrent que cela leur permettra de démarrer une nouvelle vie. Ils entendent en tout cas rester à la campagne. « Nous sommes de la campagne et nous le savons. À la campagne, nous saurons prendre soin de nous et nous pourrons mener une vie plus tranquille, sans que tout le monde sache ce qui nous est arrivé », déclare Hector.


Source :  CICR