lundi 11 mars 2013

Colombie, conflit armé et violences sexuelles généralisées

En Colombie, 
les femmes cibles privilégiées 
des conflits armés

 
 
 
Par Geneviève Garrigos, présidente d'Amnesty International France

En Colombie, après cinquante ans de conflit armé, les violences sexuelles sont systématiques et généralisées. Une arme redoutable au service de la terreur. Femmes transformées en esclaves sexuelles, communautés contraintes à quitter leurs terres, vengeance, réduction au silence des militantes des droits humains qui osent dénoncer et combattre ces violences... Les motifs sont nombreux pour les tortionnaires.


Angelica Bello (1 + photo ci-contre), défenseure colombienne des droits humains, retrouvée morte le 16 février 2013, en est l'un des derniers exemples. "Etre une militante en faveur des droits humains en Colombie, c'est comme être un kamikaze en Irak", avait-elle déclaré à une équipe d'Amnesty International fin 2011.

Les institutions publiques colombiennes – système judiciaire compris – manquent à leurs devoirs envers les victimes en étant incapables de leur accorder justice, protection, réparations, soins et services d'aide. Il apparaît essentiel de mettre un terme aux violences sexuelles.

VIOLENCES SEXUELLES

L'éradication de la violence sexuelle passe aussi par le contrôle des armes qui depuis des décennies circulent dans le pays. Forts de leurs armes, de leur pouvoir et de leur statut, des militaires et des membres de groupes armés, paramilitaires et guérillas, ont commis et continuent de commettre des violences sexuelles en toute impunité contribuant ainsi à développer un climat de violence généralisée : le commerce des armes a un impact direct sur les discriminations de genre et les violences faites aux femmes.

Or, à ce jour, il n'existe aucun mécanisme de contrôle international tel qu'un traité international sur le commerce des armes qui empêcherait toute livraison d'armes à des pays dès lors qu'il existe un risque substantiel que celles-ci soient utilisées pour commettre ou faciliter des violences liées au genre.

La Colombie a une industrie militaire autosuffisante, elle n'en fait pas moins appel à différents Etats pour importer des quantités considérables d'armement. A elle seule, la France a livré pour 47,9 millions d'euros d'armes à la Colombie. Des livraisons destinées à un pays plusieurs fois condamné par la Cour interaméricaine des droits de l'homme.

Pourtant, la France a des engagements européens qui exigent d'examiner l'impact d'un transfert d'armes sur les droits humains dans le pays destinataire. Comment expliquer alors qu'elle continue d'approvisionner la Colombie ? Qu'attendre des pays producteurs d'armement qui n'ont aucune réglementation ?

Le 18 mars, à New York, s'ouvriront les négociations finales sur un traité réglementant le commerce des armes. La communauté internationale doit maintenir son niveau d'exigence le plus haut possible pour que le traité protège effectivement les populations civiles et, notamment, les femmes des violences sexuelles.

Elle ne doit pas céder aux Etats opposants ou sceptiques, désirant affaiblir le projet de texte qui prend en compte les violences faites aux femmes. En Colombie, et dans de nombreux pays, les femmes espèrent que les armes, leurs munitions ne tomberont plus dans n'importe quelles mains. Il ne faut pas les décevoir.


Violences sexuelles en Colombie : 
interview de Linda Cabrera
 

Interview de Linda Cabrera, de l'ong colombienne Sisma Mujer. Linda Cabrera était en Belgique du 3 au 7 décembre, à l'invitation d'AIBF, qui a publié, en septembre 2011 et 2012 deux rapports consacrés aux violations sexuelles contre les femmes en Colombie, dans le contexte du conflit armé colombien. Lind Cabrera est juriste et spécialiste du droit constitutionnel.
  

Note :

(1) « Colombie : une défenseure des droits humains menacée à de nombreuses reprises trouve la mort dans des circonstances controversées », cliquez ici !


Source : Le Monde – Page Idées