lundi 11 mars 2013

Brésil, l'ancienne candidate écologiste lance son parti

 Brésil : 
Lancement d'un nouveau parti 
mené par Marina Silva



Par Elisa Thiago · Traduction de Jean Saint-Dizier

Le mouvement mené depuis deux ans par l'ex-ministre de l'environnement Marina Silva, a été porté sur les fonds baptismaux à Brasilia le 16 février, sous le nom de Réseau de la Durabilité.

 Quelques 1700 personnes, parmi lesquelles des militants, des fondateurs, et des idéologues, étaient présentes au lancement de ce Réseau qui souhaite être rapidement reconnu comme un véritable parti politique – même si l'idée est justement de ne pas être un parti politique conventionnel.

Basé sur l'utilisation d'internet comme outil fondamental d'action politique et centré sur la question de la durabilité, l'objectif du Réseau est de rassembler, avant septembre 2013, les 500 000 signatures nécessaires à sa reconnaissance en tant que parti.

Ce mouvement s'est formé sur internet, dans la continuité de la campagne présidentielle de Marina Silva sur les réseaux sociaux en 2010. Aux élections qui ont suivi, elle a obtenu presque 20 millions de voix, sous la bannière du Parti des Verts (PV), ce qui lui a assuré la troisième place et a entraîné un second tour auquel le Parti des Travailleurs (PT) ne s'attendait pas, pensant remporter ce scrutin haut la main dès le premier tour, avec la victoire de Dilma Roussef.

La candidature de Marina Silva à la présidence de la République aux élections de 2014 dépend donc de la capacité de ce Réseau à exister en tant que nouveau parti avant octobre 2013, ce qui dépend non seulement des signatures recueillies, mais aussi de la publication de statuts [en portugais, comme les liens suivants] et de leur approbation par la justice électorale. 

Le Manifeste Politique qui tient sur cinq pages a été divulgué à l'occasion du lancement du Réseau de la Durabilité, et il est l’œuvre des idéologues et fondateurs, Heloísa Helena, João Paulo Capobianco et Walter Feldman.


 “Ni majorité, ni opposition”

Sur Internet, les commentaires qui ont fait suite à la nouvelle, dans leur ensemble peu favorables à l'initiative, critiquent le fait que le mouvement de Marina Silva se déclare “ni dans la majorité ni dans l'opposition”. 

Ce commentaire de Carlos Afonso Quintela da Silva est emblématique de cette position :

[Le Réseau de la Durabilité] Va partir “à la pêche” aux voix de militants d'autres partis. Certainement des insatisfaits. C'est donc un parti de plus qui réunira les opportunistes et ceux qui ne sont plus en odeur de sainteté dans leur propre parti. Copie conforme d'autres partis existants.

On peut cependant percevoir, que suite à l'émission Roda Viva du 18 février, dans laquelle Marina Silva a saisi l'opportunité d'éclaircir un certain nombre de points concernant le mouvement, et en particulier, celui de n'être “ni majorité, ni opposition”, les commentaires sur internet sont devenus plus équilibrés.

Roberto de Santana Conceição se fait l'écho de l'opinion d'une bonne partie des téléspectateurs qui ont vu l'interview et ont été impressionnés :

Marina, félicitations pour l'interview, las d'être Brésilien, d'être une personne, croyez-le, je connais le pouvoir des mots tellement rabâchés par les grands leaders politiques et religieux,  j'ai senti que je pouvais recommencer à voter, j'espère ne pas être déçu. Mais ne l'oubliez pas, nous vivons dans un pays où la corruption est devenue une tradition et la bataille sera dure.

Adoptant un point de vue opposé à celui de la fondation du parti de Marina Silva, Amaro Doce fait part de l'observation suivante sur le Blog des Amis du Président Lula :

Rien ne déçoit davantage, dans ce parti de Marina Silva, que la négation de la lutte politique des plus faibles et le culte du conformisme soumis aux plus puissants. 

Il fait ensuite mention du soutien déclaré par Maria Alice Setúbal, héritière et actionnaire de [la banque] Itaú et de Guilherme Leal (candidat à la vice-présidence sous la bannière de Marina en 2010 et propriétaire président de Natura) au mouvement Réseau de la Durabilité:

C'est “l'utopie chimérique” de l'Itaú, de Globo, du milliardaire néolibéral propriétaire de Natura. C'est la durabilité réactionnaire et conservatrice. Les milliardaires dirigent, ils sont les “sages” conseillers, guides et idéologues d'un gouvernement hypothétique, dont le RÉSEAU Marina aurait la charge de relayer le discours auprès des Brésiliens, obéissants à l'ordre dominateur par eux créé. Tous conformes, tels les dominés du film Matrix. Semblable aux 502 premières années de l'histoire du Brésil.

Suivant le même raisonnement, de renoncement à la lutte politique et aux idéaux socialistes, le commentaire de Sonia Maria de Gouveia  en devient significatif :

Homère redoutait les imperfections de la parole écrite, nous devons, quant à nous, garder en tête combien peuvent être problématiques les textes écrits lorsque l'on analyse les idées de l'ex-sénatrice évangélique, d'un côté elle a un pied dans les idéaux socialistes, en faveur des pauvres, de l'autre elle a besoin d'attirer les jeunes et les personnes sans idéologies, communes à notre époque, alors elle sert son projet personnel d'accession au pouvoir, au détriment de sa formation socialiste. La chute du socialisme n'a apporté que de la souffrance à ce monde, dans lequel on peut voir la théorie de la prospérité prendre le pas sur toutes préoccupations sociales plus profondes.

Dans ces circonstances, Reinaldo Azevedo (sur son blog édité par la revue Veja) commente :

Aujourd'hui [le 16 février 2013], [Marina Silva] a réuni les “mariniers” pour lancer la création du parti qui n'est ni dans l'opposition ni dans la majorité, mais dans la “position”; qui n'est ni pragmatique ni utopique, mais “chimérique”… Elle était au meilleur de sa forme, et cela veut donc dire que personne n'a rien compris à ce qu'elle a dit, mais tout le monde l'a trouvée géniale.

Parmi les phrases qui émaillaient le discours de Marina lors du lancement du Réseau, le blogueur relève la suivante :

Nous sommes en train de vivre une crise de civilisation et nous ne disposons pas du répertoire nécessaire pour l'affronter. Pour, ensuite, formuler une critique de son “caractère évidemment réactionnaire” :

Lorsque quelqu'un dit que “nous traversons une crise et que nous ne disposons pas du répertoire”, il affirme, de manière détournée, que, lors des crises passées, le dit répertoire existait. Ce qui semble “progressiste” dans le discours de Marina, est en fin de compte, régressiste. Elle a la nostalgie d'un passé qui n'a jamais existé.

D'un autre côté, adoptant une posture plus favorable à la constitution d'un nouveau parti, le blogueur Paulinho affirme :

A l'inverse de beaucoup de gens qui trouvent exagéré le nombre de 30 partis politiques au Brésil, je crois qu'il devrait y en avoir le triple, puisque notre pays, aujourd'hui, dépasse les 200 millions d'habitants, dont 80 % sont électeurs, je ne crois donc pas que 30 partis politiques puissent représenter correctement tous les courants de pensées.

Il importe alors de rester attentifs à la suite des informations concernant la possible consolidation de ce Réseau en Parti – même si l'intention est de ne pas perdre ses caractéristiques de réseau. Y-a-t-il une chance pour que cela devienne un jalon dans la progression de la politique partisane brésilienne ?


Source : article et photos Global Voices