lundi 14 janvier 2013

Luis Buñuel, cinéaste du surréalisme et Mexicain d’adoption

Dans les pas de Luis Buñuel :
Existe-t-il une histoire du cinéma latino-américain? 


Par Ivan de la Pampa

Allez savoir pourquoi ce matin Luis Buñuel est venu se rappeler à moi, je m’interrogeais sur la place du cinéma latino-américain dans l’histoire, ce que je pouvais en connaître, c’est-à-dire pas grand chose et en plus penser à un cinéaste espagnol de naissance, mais qui devint au périple de sa vie mexicain,  et me demandant est-il pour cela un cinéaste latino-américain ?  Cette confusion en est-elle vraiment une, quand nous touchons là une question à laquelle chacun est amené à répondre s’il aventure dans le chantier complexe et parfois malodorant des identités.

En farfouillant dans ma mémoire, peu de nom de réalisateurs ou films latinos ont surgi, sauf à confondre des tournages en Amérique latine fait par des auteurs européens ou étasuniens. Bref, que sait-on d’un cinéma, comme dans les méandres de tous les domaines de la mémoire historique a connu plus que des failles, la mienne inclue. 

Qui plus est en Europe, le cinéma latino n’évoque pas grand-chose et pour cause, à part « l’histoire mondiale du cinéma » de Georges Sadoul, je ne vois pas en l’état quelque chose pouvant y répondre par des écrits. Et à ce sujet, de mémoire, il n’y avait pas beaucoup d’informations à se mettre sous la dent. La réponse est de toute façon outre-atlantique et en langue espagnole ou portugaise.

C’est au Venezuela que j’ai pu me rendre compte, de mes faiblesses en la matière, si jeux citer quelques personnes ou réalisateurs vivants et actifs, je ne dépasse pas une dizaine et se concentrant la plupart dans le travail documentaire, et pour comble du comble, mon penchant s’est toujours porté sur le cinéma de fiction. Si je peux nommer quelques films, ils ne sont pas légion et si l’objet du jour de la recherche en vient à porter ses fruits, j’espère que je vais pouvoir rattraper le retard, ou qui sait arrivé à point nommé et faire un travail de recherche prometteur…

On se réveille parfois avec des idées étranges, et le cinéma latino-américain et son histoire ? Si l’on peut remarquer une production actuelle relativement riche et plutôt dynamique et en hausse selon les pays, le cinéma de fiction et son parent documentaire apporte chaque année son petit lot de surprises. 

Donc il existe bien un cinéma latino-américain, mais à de là à savoir quels sont les pionniers et leurs films, en quoi le cinéma latino serait un genre particulier ou pourrait se réclamer de telle ou telle école, ou de telle approche artistique ? Il existe un gouffre… Cependant, il semble qu’une université française travaille à la question, je verrais bien ce qu’il en est.


Le cinéma hispano-américain est encore marginal en Europe se traduisant par des circuits de diffusions assez limités ou spécialisés ou grâce à des festivals comme celui de Biarritz, ou des cinémas à Paris, Toulouse et Lille, ou les Maisons de l’Amérique Latine de Paris, de Bruxelles, de Madrid, ... Pourtant, il existe des cinémas nationaux et des archives ou cinémathèques dans chaque pays, mais il est difficile d’avoir une idée des fonds cinématographiques du 20ème siècle sur l’ensemble hispanophone et lusophone des Amériques.

Alors comment ne pas évoquez un grand réalisateur mexicain d’origine espagnole, qui m’est rapidement venu à l’esprit. Désolé pour la légère confusion que cela peut entraîner, mais dans le terreau de l’interculturel, les risques sont nombreux.

Luis Buñuel, fut une de mes premières découvertes cinématographiques et que de surprises devant une œuvre, qui a bien des égards à marquer ma mémoire et qui pour toute personne un tant soit peu cinéphile est une référence. Dans les années 1970, j’allais prendre un des premiers chocs ou coups de cœur pour deux films ayant à l’époque défrayée la chronique : « Le charme discret de la bourgeoisie » et « Cet obscur objet du désir ».

Le jeune adolescent que j’étais, aurait pu avoir deux réactions, se dire, c’est trop intello ou, comme ce fut le cas avoir été proprement hypnotisé ou happé par le contenu de ces deux films. Les redécouvrir a fait naître au fil du temps, des idées, des lectures nouvelles.

 C’est aussi plus tardivement que je comprendrais le rôle et la place de Buñuel dans le mouvement surréaliste et que je découvris « Le chien andalou » et « L’âge d’or », ses deux premiers films ou co-réalisations.

Je dois avouer qu’à part « Belle de jour », « Tristana » et « Los Olvidados », ma connaissance de ce réalisateur et de son travail est quand même limité. Il est indéniable que Buñuel est des pères du cinéma mondial au vingtième siècle, que chaque film que j’ai pu voir m’a laissé une trace indélébile et je sais à quel point « le charme discret de la bourgeoisie » n’a pas pris une ride, et du regard incisif, que je puis toujours porter sur notre monde. Surréaliste, non ! Sinon en soit, c’est une bonne nouvelle, il me reste plein de films à voir, rien que pour Buñuel, une bonne vingtaine à découvrir.

Toute la question reste de savoir si Buñuel appartient à telle ou telle nation, à un registre cinématographique latino-américain ? Le film  Los olvidados, oui sans doute, mais il est allé bien au-delà de son pays de naissance l’Espagne ou d’adoption le Mexique et il est difficile de le classifier, à part dans un registre universel ou cosmopolite. Cela ne plaira pas aux tordus de l’identité, parce que justement des hommes comme Buñuel resteront des auteurs pour tous et peu importe le lieu de cette planète. Un « mondialiste » comme dirait l’autre, quand il s’agit d’une œuvre et qu’à ce titre, il n’y a à rien à tirer de l’origine ou de l’identité, à part des indications.

Un livre, un film restera dans sa nature un objet ouvert à toutes et tous et il devient universel quand le génie de son créateur est en mesure de s’adresser et d’y trouver vie en chacun de nous et de se moquer de ce qui est fait comme mention sur nos pièces d’identités nationales ou continentales.   

Des films, des livres peuvent trouver un rôle moteur dans l’existence, et même s’il y a encore beaucoup de travail sur la planche pour pouvoir mettre en lumière un cinéma pas encore vraiment identifié, en vérité sans frontières autres que celles de nos méninges. Mais, comme il y a souvent un mais, quel réalisateur latino-américain n’a pas été amené à appréhender le travail de Buñuel, à s’approcher à un moment de son cinéma pour s’en inspirer ?




« Un scénariste 
doit chaque jour 
tuer son père, 
violer sa mère 
et trahir sa patrie » 

Luis Buñuel





Quelques éléments biographiques sur Luis Buñuel et un site à consulter sur ses films :

Luis Buñuel est né le 22 février 1900 à Calanda (Aragon), dans une petite ville réputée pour son obscurantisme religieux.Il vient au monde dans une famille nombreuse mais riche et doit subir l'éducation jésuite. Toute son œuvre sera marquée par cette contrainte. De nationalité espagnole, il deviendra mexicain.

La jeunesse

À 17 ans il part à Madrid pour commencer des études supérieures, il rencontre Dali et Garcia Llorca, apporte son soutien aux mouvements Dadaïste. En 1925 il vient à Paris. Il arrive à se faire embaucher comme assistant réalisateur de Jean Epstein, sur le tournage, en 1926, de "Mauprat", puis, en 1928, de "La chute de la maison Usher".

Le surréalisme

En 1928, financé par sa mère, il tourne son premier film, avec Dali, "Un chien Andalou", il sera projeté en privé pour Man Ray et Aragon qui, étonnés, décident de commander une projection pour le groupe des surréalistes. C'est un très gros succès et le film sera projeté pendant presque un an.

En 1930, "l'âge d'or" fera parler encore plus de Buñuel, une projection fera l'objet d'une agression par des fascistes et provoque un scandale qui aboutit à l'interdiction du film. Cette interdiction ne sera levée formellement qu'en 1981.

Les États-Unis

Entre 1933 et 1935, Buñuel travaille pour des compagnies américaines. La guerre civile qui éclate en Espagne le bouleverse. Il participe à un documentaire pro-républicain " Madrid 36 ", puis il se rend aux Etats-Unis. Il travaille à démontrer l'efficacité et le danger des films de propagande nazis (il utilise en particulier un film de Leni Riefenstahl). Mais il étale son anticléricalisme et son marxisme et subit des pressions. Finalement Buñuel est contraint de s'exiler au Mexique.

Le Mexique

En 1947, il est au Mexique et reprend alors sa carrière de réalisateur. " Los Olvidados " présenté a Cannes, est une œuvre remarquable. " El " et " Archibald de la Cruz ", ses meilleurs films mexicains sont plein de référence à Sade , à la religion, à la bourgeoisie. "Nazarin" marque l'apogée de sa période mexicaine.

Retour en Europe

Buñuel se voit proposer un tournage en Europe, il s'agit de "Virdiana", qui obtient une palme d'or mais surtout provoque de gros remous politiques, diplomatiques et religieux. Le régime de Franco, après avoir permis le tournage et accepté que le film représente l'Espagne au Festival finit par interdire complètement.Suivent "L'ange exterminateur", "Le journal d'une femme de chambre" et son dernier film mexicain, le surprenant "Simon du désert".

Buñuel vient régulièrement tourner en France, en particulier avec Jean-Claude Carrière. Ses films sont toujours aussi puissants et en lutte contre la bourgeoisie dominatrice: "La voie lactée", "Belle de jour", "Tristana".Il reçoit l'oscar du meilleur film étranger pour "Le charme discret de la bourgeoisie" et choisit d'arrêter sa carrière de réalisateur en 1976 avec "Cet obscur objet du désir". Il meurt le 29 juillet 1983 à Mexico.