jeudi 31 janvier 2013

Hugo Chavez, Florence Cassez, jusqu’où la nausée ?

Les médias en Europe 
et en Amérique latine
Quels médias voulons-nous ?




Par Lionel Mesnard

Ceux qui ont pu suivre le retour de Florence Cassez en France après ses huit années de prison au Mexique ont pu avoir à juste raison des hauts de cœur. La publication par le journal El Pais d’une photo fausse d’Hugo Chavez, le présentant en réanimation a aussi suscité une forte polémique. Ces deux nouvelles auront contribué la semaine dernière a décrédibilisé un peu plus les médias presse et télévision. Et pose inévitablement pour question : quels médias voulons-nous et que faire en la matière ?


Une image  tronquée de Chavez sur le journal El Pais. Voilà une affaire qui a pour mélange à la fois, ce qu’il peut y avoir de plus sordide et une continuelle dégradation du contenu journalistique. Le journal espagnol El Pais a publié une photo de Chavez semblant être en réanimation, quelques heures après le quotidien de Madrid a retiré le cliché de son site en ligne.

Une affaire au demeurant banale, mais qui au final  a provoqué de vives réactions et serait en fait une arnaque pure et simple. Le gouvernement vénézuélien a vivement réagi et va porter une plainte contre ce dérapage. Depuis plusieurs années le journal El Pais, dit de centre gauche, est probablement l’un des auteurs les plus farouches contre le président Hugo Chavez depuis son accession au pouvoir en 1999.

Comme une bonne part de l’information sur l’Amérique latine passe en Europe par Madrid, rien d’étonnant de découvrir certains contenus journalistiques assez similaires dans la presse française.

El Pais appartient au même groupe de presse que le journal, Le Monde, la publication madrilène est un exemple de la concentration des médias de masse et des problèmes à survivre au temps d’Internet. La question de la concentration est une question épineuse, ou quelques groupes et agences de presse font la pluie et le beau temps de nos actualités.

Ce que nous avons pu voir, entendre, lire du retour de Florence Cassez au bercail a atteint des sommets. Le dérapage va loin et de plus en plus loin, ou comment le journalisme n’est plus qu’un exercice visant :

 - soit à répandre des rumeurs sur l’état de santé d’un président malade (et détesté de la majorité des grands groupes de presse dans le monde),

 - soit à couvrir un événement qui en fait n’a d’intérêts que pour des remplisseurs de vide, les fameuses chaînes de télévisions d’actualités en continu.

Comment faire la part des choses, quand domine une économie du divertissement, ce qu’appela en son temps Guy Debord « la Société du spectacle ».

Cela devient insupportable, quand des chaînes de grandes audiences font 20 minutes sur la neige en plein hiver, et que les problèmes de fond ne sont pas traités ; la suffisance du journalisme et de ses présentateurs vedettes dans les grands maillons de l’information en dit long sur la servilité et de ne surtout pas venir contredire cette coquille vide.

La critique des médias est-il un sport de combat ?

Si la France pouvait s’enorgueillir de disposer, il y a encore quelques décades, d’une presse et d’un service public de télévision de qualité, il y a de quoi s’interroger sérieusement sur un problème de société majeur : quels médias voulons-nous  et que faire en la matière ?

La critique des médias n’est pas un exercice facile et ce qui a trait au métier de journaliste est aujourd’hui en situation critique. En trente ans, ou depuis la libéralisation des antennes radios, puis l’existence des télévisions privées jusqu’à l’apparition de la TNT, les modes communications ont fondamentalement changés.

Avec l’arrivée d’Internet et des nouvelles technologies, nous sommes entrés dans une nouvelle ère, celle de l’information, et comme tout ce qui a un caractère nouveau et venant bousculer ce qui était de l’ancien monde, il n’est pas certain que nous ayons pris en compte toute l’ampleur de ces changements.

Dans les années 1970, de rares intellectuels ou chercheurs avaient présumé, de ce qui adviendrait des temps futurs et ce que l’on nomme, aujourd’hui, les autoroutes de l’information. Henri Laborit publia en 1973 de la « thermodynamique à la société informationelle » (1), un petit ouvrage posant les bases d’un changement de société profond, ou il proposait un dépassement de la lutte des classes par un mode autogestionnaire de nos relations humaines.

Laborit fut aussi un des rares aussi à aborder les mondes cybernétiques en son temps et à annoncer des temps très hostiles, si nous ne prenions pas en compte l’économie humaine ou du vivant à sa juste valeur. Le désordre apparent est bien plus large que l’on l’imagine dans les fabriques de l’information. Il existe possiblement des échappatoires et de restituer des faits, d’alimenter une critique dans une société plus que jamais en mutation.

Des sources d’informations nouvelles ?

En Amérique latine comme en Europe, l’arrivée de l’Internet a permis l’émergence de nouveaux médias et en particulier dans le monde associatif ou plus largement ouvert aux citoyens de ce monde. Ils ont contribué à propager de nouveaux espoirs, à construire de nouveaux échanges sans frontières.

Petit écueil, la notion de média « communautaire » plus exactement les médias citoyen n’ont pas encore vraiment pris souche en France, faute de trouver des financements appropriés.

Les médias « communautaires » sous ses formes diverses (sites, radios et télévisions) ont connu un essor important et permis la circulation d’informations n’ayant pas un caractère commercial, et surtout permettant une information plus fiable (si elle n’est pas liée à un réseau de propagande politique) et touchant à la promotion de nouveaux droits à l’expression citoyenne et à la critique du ou des systèmes existants.

De ces nouveaux médias, on peut parfois ne pas en partager le contenu, mais la presse dominante étant tellement concentrée que l’information en Amérique latine et en Europe ne peut passer principalement que par des filtres économiques classiques  ou la critique des pouvoirs ou de la société a peu de place.

En temps de guerre, il devient impossible de se fier à la moindre source, tout demande à être vérifié, et seuls les historiens pourront d’ici quelques années, nous en expliquer les tenants et les aboutissants.

Le temps de disposer de toutes les données nécessaires, « l’entertaiment » noie nos société dans l’insipide. L’actualité qui nous est délivrée est un beau miroir du monde capitaliste. quand il s’agit de flatter l’instinct et de nier la raison. Tout est lessive, ou marchandise à vendre, quand tout au contraire l’information est une donnée essentielle pour comprendre ce foutou bazar planétaire.

Nous vivons un véritable cirque médiatique où tous les coups bas sont permis ou le sensationnel l’emporte. Le mot commun : il faut vendre ! Quand parallèlement la presse quotidienne sur papier est en plein marasme.

Ce qui est regrettable, c’est que nous avons fini par prendre en Europe le même tournant que la presse outre-atlantique, en ce qu’il y a de pire, quand cela ne tourne pas à la crétinerie absolue. L’information dans sa massification n’est plus qu’un martelage, ne permettant en rien de comprendre l’actualité de notre monde et de là où nous vivons.

Florence Cassez ou l’image falsifiée du président vénézuélien dans cette tourmente médiatique sont les révélateurs d’un grand vide dans le monde de la télévision et de la presse écrite.



Il serait facile aussi de n’en critiquer que les défauts pour se demander, mais quels médias voulons-nous et que peut-on faire ? Une question posée à toutes et tous...

Le Débat est plus que jamais ouvert !

 Note :

(1) HENRI LABORIT : Société informationnelle. Idées pour l'autogestion, éditions du Cerf, 1973