samedi 22 décembre 2012

Honduras, les défenseures des droits humains en danger

Les violations commises au Honduras sont une menace pour les Femmes défenseures des droits humains
 
Par Rochelle Jones

Décrit comme l’un des pays les moins développés et les moins sûrs d’Amérique centrale, le Honduras est une terre où cohabitent les inégalités les plus scandaleuses dans la répartition des richesses, la corruption et la violence systémique. Depuis le coup d’État survenu en juin 2009, ayant renversé avec l’appui des militaires le Président Manuel Zelaya Rosales, l’impunité est devenue un problème grave dans un contexte d’usage excessif de la force à l’encontre de la dissidence civile, de menaces et d’attaques perpétrées contre les défenseur-e-s des droits humains et les journalistes.

 

Des projets de « développement » à grande échelle qui violent les droits humains
 
On trouve au cœur des priorités d’État du Honduras les « mégaprojets ». Ceux-ci comprennent l’expansion de l’activité minière ainsi que d’autres industries d’extraction, et la conversion de terres agricoles et naturelles en monocultures. Les projets de tourisme balnéaire sont également appuyés par le gouvernement, tels que « Los Micos Beach and Golf Resort » situé dans un parc national dans la baie de Tela. 

Les communautés locales s’opposent à ce projet, commercialisé sous le slogan « la côte encore inexplorée des Caraïbes ». Bertha Cáceres, coordinatrice nationale du Conseil civique des organisations populaires et autochtones du Honduras (COPINH), signale : « C’est un concept du développement avec lequel nous ne sommes pas d’accord parce qu’il menace nos vies, nos droits et nos communautés autochtones et noires ».

 Les projets récemment rejetés de « villes-modèles » ont également suscité de fortes controverses et reflètent un gouvernement qui privilégie malheureusement les intérêts du secteur privé et des grandes multinationales, au détriment des droits de la population locale. 

Les mégaprojets violent le droit des communautés à être consultées, menacent l’identité culturelle de leurs populations et se traduisent par des expulsions forcées et diverses formes de violence à l’encontre des habitants concernés. Le Honduras affiche une politique systématique de mise sous silence des revendications légitimes des personnes luttant en faveur de la démocratie, la liberté d’expression, la terre et les ressources naturelles.

Les communautés d’agriculteurs et autochtones qui défendent leurs droits et s’opposent aux mégaprojets et aux villes-modèles sont quotidiennement confrontées à l’usage arbitraire de la violence par les forces de sécurité de l’État, aux expulsions, menaces et assassinats. On peut citer à titre d’exemple la situation dans la région de Bajo Aguan, une zone agricole ravagée par les conflits violents qui opposent les organisations agraires et les propriétaires terriens tels que Miguel Facusse, l’un des hommes les plus riches du Honduras. Plus de 60 personnes liées aux organisations paysannes de cette région auraient été assassinées au cours des quatre dernières années. 

À ce sujet, il convient également de mentionner le meurtre récent de l’éminent avocat des droits humains hondurien Antonio Trejo Cabrera, qui avait dénoncé des menaces de mort, y compris dans des documents présentés l’année dernière afin de bénéficier d’une protection du propriétaire terrien multimillionnaire Facusse. Trejo était l’avocat de trois coopératives agricoles de Bajo Aguan. 

Ces actes récents de répression ne font que confirmer l’existence d’une politique d’État au Honduras visant à réprimer toute manifestation des communautés. Cette situation a été dénoncée par des organisations connues de défense des droits humains telles que le Comité des familles de détenus et disparus du Honduras (COFADEH), le réseau national des femmes défenseures des droits humains et le mouvement des femmes pour la paix Visitación Padilla.
 


La violence à l’égard des femmes a augmenté, notamment des défenseures

Le Honduras est considéré l’un des pays les plus dangereux au monde, un lieu propice aux meurtres de journalistes, d’avocats et d’activistes, dont les coupables sont rarement poursuivis. Depuis le coup d’État survenu en juin 2009, on constate une recrudescence de la violence et des assassinats de défendeur-e-s des droits humains. Cette situation touche particulièrement les femmes défenseures des droits humains (défenseures). De nombreux cas de violence sexuelle ont été documentés au cours des expulsions forcées, qui sont rarement dénoncés par crainte de représailles et du fait de l’impunité croissante observée dans les situations de violence à l’égard des femmes dans tout le pays. 

La violence est plus grave encore pour les défenseures, accusées publiquement d’aller à l’encontre du rôle traditionnel qui incombe à la femme. Les défenseures sont menacées de mort et de violence sexuelle et sont traitées comme des criminelles. En octobre, par exemple, Karla Zelaya, journaliste du mouvement paysan uni d’Aguán (MUCA), a été kidnappée pendant trois heures par trois hommes après un mois de menaces. Elle a été terrorisée, menacée, interrogée et même torturée par ces inconnus qui lui ont affirmé tout savoir sur elle et pouvoir la tuer à tout moment.

Une étude de cas de l’AWID sur la période post-coup au Honduras, faisant partie d’une publication de la Coalition internationale des femmes défenseures des droits humains,révèle que la répression et le déni des droits ne sont pas des cas isolés, et démontre au contraire qu’il s’agit d’une politique générale de terreur et d’abus appliquée en toute impunité, notamment envers les femmes. Depuis la prise de fonctions du président actuel, les autorités ont augmenté les persécutions et les menaces à l’encontre des féministes et des organisations de femmes.

Les lauréates du prix Nobel de la paix Jody Williams et Rigoberta Menchú Tum ont organisé la visite d’une délégation au Honduras en janvier dernier qui a confirmé les faits rapportés par les défenseures et leurs organisations. Dans son rapport intitulé "From Survivors to Defenders: Women confronting violence in Mexico, Honduras and Guatemala", cette délégation affirme que la violence exercée à l’égard des femmes est en phase de devenir critique et signale qu’au cours des dix dernières années, les fémicides ont augmenté de manière alarmante (257% au Honduras). 

Le rapport convient du fait que les femmes autochtones et les défenseures sont particulièrement vulnérables aux agressions, qui comprennent le viol, la torture, le meurtre et les disparitions forcées. Il s’avère encore plus alarmant de constater que plus de 95% des délits demeurent impunis. La plupart ne font même pas l’objet d’une enquête de la part des autorités. Les propos suivants de Martha Velazquez, membre de l’organisation Movimiento de Mujeres au Honduras, sont évoqués dans le rapport : « Depuis le coup d’État ayant renversé le gouvernement en 2009, nous sommes revenu-e-s 40 ans en arrière en matière de droits des femmes ».
 

Les organisations des droits des femmes contrattaquent

Appelant à mettre fin à la répression et à la violence qui visent systématiquement les défenseures et les communautés luttant pour leurs droits, plusieurs actions ont été organisées. L’une des plus récentes et des plus importantes fut la Journée de solidarité avec le Honduras du 11 octobre, organisée par l’Initiative mésoaméricaine des femmes défenseures des droits humains (qui réunit Just Associates (JASS) ; Consorcio Oaxaca (Mexique) ; UDEFEGUA (Guatemala) ; Colectiva Feminista (El Salvador) ; le Fonds pour les femmes d’Amérique centrale (FCAM) et l’AWID). Cent vingt et un défenseur-e-s, réseaux et organisations internationales des droits humains ainsi que des activistes provenant de dix pays ont exigé la fin de la répression et de la violence au Honduras. 

Par exemple, des lettres ont été déposées aux ambassades du Honduras du Royaume-Uni, de la Colombie, du Mexique, des États-Unis, du Salvador, du Nicaragua et du Panama, et plusieurs manifestations ont eu lieu. Au Honduras, dans le but de défier l’autorité, plus de 100 personnes provenant d’au moins dix organisations ont manifesté devant la Dinant Corporation, appartenant à Miguel Facusse.

Plus récemment, le 25 novembre pour être précis, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, les organisations de femmes du Honduras, avec l’appui d’ONU Femmes, ont marché dans les rues pour protester contre les morts violentes de femmes. D’après le site web Dites non, des milliers de femmes de tous âges ont envahi les rues pour exiger que les responsables des morts de femmes soient traduits en justice. Au rythme de la batucada, des personnes et des représentant-e-s d’organisations ont marché jusqu’à la place Merced à Tegucigalpa, puis vers le Congrès national, pour protester contre la violence.

Ces manifestations ont été décrites par Karla Lara, du Réseau national des femmes défenseures des droits humains du Honduras (La Red Nacional de Defensoras de DDHH de Honduras) comme une action parmi tant d’autres organisées par le peuple depuis le coup d'État. Elle a signalé à l’AWID qu’en dépit de ce type d’actions, le « régime » ne dit rien et ne se prononce jamais sur la situation des droits humains. Interrogée sur la manière dont la communauté internationale pourrait aider, Lara insiste sur l’importance de maintenir une information actualisée à l’extérieur du Honduras sur ce qui se passe dans le pays et d’attirer l’attention sur la situation à l’échelon mondial, notamment en dénonçant les violations des droits humains. 

Elle est de l’avis qu’en l’absence d’une information réelle sur ce qui se passe dans le pays, les personnes finiront par croire tout ce que disent les médias, penseront que tout va bien dans la « démocratie » hondurienne, qu’il y a des élections démocratiques, la paix et juste quelques cas isolés de délinquance courante, de guerre entre trafiquants de drogue et de crimes passionnels, alors qu’en réalité, le Honduras est dirigé par un régime militaire, fondamentaliste, capitaliste, raciste, homophobe – ce n’est pas une démocratie.
 

Source: AWID