samedi 3 novembre 2012

Haïti, Cuba, misère et pauvreté du journalisme d'actualité

Haïti, Cuba,
les victimes oubliées
de l'ouragan Sandy
« misère et pauvreté 
du journalisme d’actualité »


Par Ivan de la Pampa

Il serait inconvenant de ne pas manifester une critique sur le contenu de l’information télévisée et plus particulièrement sur le paysage audiovisuel français (le PAF). De comment, il n’a pas été traité de la situation s’étant déroulée en Haïti et à Cuba. Seul vraiment Daniel Schneidermann s’est interrogé sur un ton ironique (lire en bas de page) sur le déséquilibre, que chacun aura pu constater dans le traitement de l’information.

Nous aurions pu nous croire un instant cette semaine vivre du côté du New Jersey. Plusieurs jours d’affilés l’ouragan Sandy sur la TNT domine tout et nous voilà embarqué dans une démesure et face à ce que l’on peut appeler « misère et pauvreté du journalisme d’actualité ».

Ce fut une semaine de télévision ubuesque, ou nous aurions pu nous croire devenu étasunien sans le savoir… Il manquait le pop-corn et la canette de soda, et les 2 sœurs jumelles BFM TV et iTélé y sont allées à plein tube et avec des moyens techniques très classiques, depuis l’arrivée du secteur privé dans l’audiovisuel français dans les années 1980.

Des moyens assez pauvres au passage, car le flot des images est surtout le fait de ce que l’on appelle les « braodcasters » ou diffuseurs, qui sont aux mains de grands groupes audiovisuels souvent étasuniens, et ce sont eux qui vendent directement des images sur les « grands événements planétaires » aux chaînes de télévision du monde entier. Il faut savoir que 80% des images de télévision ou du flux circulant dans le monde sont le fait d’entreprises ou de groupes de communication aux Etats-Unis.

La manière dont a été traité l’ouragan Sandy, il y avait là tout d’une réminiscence de l’ancienne cinquième chaîne de Berlusconi, quand elle couvrit la première guerre du Golfe en 1991. Nous avons eu droit à des commentaires insipides à foison, ou des images passées à l’excès. Sur le fond, des informations mineures avec des correspondants obligés de se montrer sur fond de plage pour constater la force du vent ou la hauteur des vagues et en attendant que le gros de la dépression ne leur tombe sur la tête.

Puis une fois, le gros de l’ouragan passé, certains plans marqueront sans doute l’histoire de la télévision avec de formidables séquences sur des générateurs électriques. Le tout en nous balançant à minima une dizaine de fois les mêmes images, en changeant à minima le contenu rédactionnel, en répétant jusqu’à l’ennui, le néant.

En clair, comment ne pas ressentir une petite nausée, comment ce qui n’a qu’un intérêt mineur devient une bouillie d’empathie mal placée ? Aussi bien pour les victimes Etasuniennes, Haïtiennes ou Cubaines, car pourquoi ce gigantisme loufoque pour les uns et cette illustration du néant quand il s’agit d’un drame répétitif pour ces derniers ?

Fallait-il donner tant d’importance à un phénomène climatique ? Il va de soit que non, mais le hic fut aussi que, l’ouragan Sandy occasionna de lourds dommages en Haïti et à Cuba : 65 ou 79 morts et aux Etats-Unis et au Canada un peu plus de 100 morts. Mais il semblerait que certaines victimes n’ont pas droit au même intérêt.

Et il importe peu, si ce nouveau coup porté aux deux îles n’aidera qu’à enfoncer encore un peu plus les populations dans la misère ou la désolation. Sachant qu’Haïti ne s’étant pas remis du tremblement de terre de janvier 2010 a vu sa production agricole très fortement touchée par l’ouragan (104 millions de dollars de dégât) et que l’île risque de faire face à une grave crise alimentaire et qu’il reste encore au moins 200.000 sans abri à reloger en Haïti. Mais ce type d’information n’a semble t’il pas sa place sur nos écrans, ou si peu.


SANDY, PORT AU PRINCE, NEW YORK, par Daniel Schneidermann, le 30/10/2012


Des dizaines de morts, de disparus, et de blessés; des familles ensevelies dans des maisons écroulées; plusieurs villes encore coupées du monde, inaccessibles aux secours; des routes et des ponts endommagés; le Premier ministre lui-même allant distribuer, devant les caméras, des vivres aux victimes: en Haïti, Sandy a été encore plus meurtrière que ce que l'on pouvait redouter.  D'autant que certaines victimes ne s'étaient pas encore remises du passage de l'ouragan Isaac, en août dernier.



Devant de telles scènes de désolation, il ne faut pas hésiter à le reconnaître: il est tout à fait logique que les médias français nous aient tenus en haleine avant même le passage du cyclone. Chacun a bien rempli son rôle. Les journaux télévisés ont multiplié les interventions en direct, en plein vent et sous la pluie, des envoyés spéciaux. Les photographes ont câblé les images les plus sensationnelles.

Les commentateurs ont supputé les conséquences de politique intérieure. Les reporters ont sollicité les témoignages des expatriés français. Les sites de presse ont appelé aux témoignages des internautes. Des exemples concrets, tel celui de l'agriculteur de Savane Grande Robert Sénatus, dont l'ouragan a emporté les deux boeufs, ont aidé le grand public, habituellement trop indifférent, à prendre la mesure de l'événement. Pour une fois que les médias ont correctement couvert une catastrophe frappant un pays peu médiatisé, nul ne saurait s'en plaindre.




Dernière minute: fatale distraction ! On me signale que j'avais mal regardé, mal vu, mal écouté. Les reportages radio-télévisés sus-mentionnés concernent en fait une localité continentale nord-américaine du nom de New York, qui a concentré sur elle l'ensemble de la couverture médiatique planétaire de l'ouragan au point que les reportages sur un événement ne s'étant pas encore déroulé, ont supplanté les compte-rendus d'une catastrophe effectivement advenue. Sur les circonstances et les raisons de cette étonnante distorsion, nous allons mener l'enquête.