dimanche 16 septembre 2012

Haïti, Robert Lodimus, Pour les mémoires oublieuses

Haïti-Développement : 

Pour les mémoires oublieus

  Il faut chasser la bêtise, parce qu’elle rend bête ceux qui la rencontrent. (Bertolt Brecht)



Par Robert Lodimus - Extrait de "Idées pour une révolution" (du même auteur)
 
Lorsque l’on aborde les problèmes épineux des pays en voie de développement, on ne saurait s’empêcher, malheureusement, de choquer les puissants meneurs de la politique internationale et de l’économie mondialisée.

Cependant, l’esprit de conscientisation - qui guide et anime nos pensées - devrait nous éloigner du site d’une pareille préoccupation.

Nous le savons clairement : la partition, qui permettra de vocaliser le changement dans l’orchestre des sociétés planétaires maintenues sous l’influence et la domination des oligarques, accapareurs de tous les biens et de toutes les richesses de la terre, devra forcément contenir des croches de dissonance.

Les mercenaires de la haute finance internationale ont mené la planète aux portes d’une catastrophe irréversible. Nous sommes à la veille d’un « tremblement de terre », qui va tout détruire sur son passage.

Aucun peuple, aucun pays, aucune région ne seront épargnés.

La richesse opulente d’un côté, la pauvreté extrême de l’autre… une combinaison explosive, dont les effets dévastateurs dépasseront mille fois en puissance l’engin diabolique de Hans Bethe, prix Nobel de physique en 1967 : la première bombe atomique fabriquée aux États-Unis, larguée sur Hiroshima et Nagasaki respectivement les 6 et 9 août 1945, faisant environ 300 000 morts presque dans l’immédiat…

Le G8 est parvenu, avec les années, à construire la plus effroyable machine de destruction de la dignité humaine qui carbure avec l’énergie de l’exploitation outrancière.

Tous les États, qui pilotent le train de la mondialisation, sont solidaires entre eux, s’unissent et travaillent, coude à coude, pour défendre leurs intérêts… Ils combattent côte à côte, sur tous les fronts, pour renverser les gouvernements qui ne répondent pas à leurs attentes et pour en ériger d’autres, plus soumis et moins préoccupés par le bien-être de leurs citoyens.

Nous avons l’exemple du premier président malien, Modibo Keita, destitué par un coup d’État concocté par la France, incarcéré et remplacé par le dictateur Moussa Traoré, qui a régné d’une main de fer durant plus de deux décennies.

Cet homme fut un défenseur farouche des principes de souveraineté des nations. Il a soutenu la guerre des Algériens contre l’occupation française.

Au début et au quart du vingtième siècle, les États-Unis d’Amérique ont occupé Haïti, la République Dominicaine et le Nicaragua. Ils ont assassiné froidement les principaux chefs de guerre qui ont dirigé la résistance armée en Haïti, Charlemagne Péralte, Benoît Batraville…

Les deux invasions de la République Dominicaine ont occasionné des milliers de morts parmi la population civile.

Au Nicaragua, les États-Unis ont commandité le meurtre lâche et crapuleux du révolutionnaire Augusto César Sandino qui les a combattus vaillamment avec une guérilla pourtant inférieure en nombre et en munitions. Le général de la garde nationale, qu’ils venaient de fonder, Anastasio Garcia Somoza, a été chargé d’exécuter la sale besogne.

Tous les partisans de Sandino, comme ceux de Péralte, ont été, par la suite, massacrés cruellement.

Dans l’évocation succincte de cette escalade de faits historiques, saucés dans la traîtrise tragique, il ne nous faudrait pas oublier les déboires du docteur Kusno Sosrodihardjo Sukarno, le père de l’indépendance et premier président de l’Indonésie, renversé par un coup d’État monté de toutes pièces par la CIA et dont la matérialisation a été confiée au général Suharto, allié et dauphin de la Maison Blanche. Sukarno sera maintenu en résidence surveillée jusqu’à sa mort.

Le sort du Timor Oriental devrait aussi interpeller l’esprit de notre souvenance, puisque nous parlons de l’Indonésie. L’acte génocidaire, qui a décimé un tiers de la population locale – évaluée, selon certaines statistiques, à un peu plus de 700 mille habitants en 1975 - a estomaqué les consciences libres. Une barbarie inconcevable contre de pauvres et d’innocents civils, commise par le général président Suharto, appuyé par l’aviation américaine, pour écraser le mouvement de libération et de souveraineté enclenché par le Front révolutionnaire de l’indépendance du Timor Oriental (Fretilin).

Des rivières de cadavres ont transformé, en lits d’horreurs inqualifiables, les rues des villes, maintenues à coups de bombes et d’armes automatiques sous le choc et l’emprise de la terreur. 

Femmes, enfants, vieillards sont massacrés, violés, humiliés, sous les yeux et avec la complicité des communautés occidentales.

Toutes les femmes et tous les hommes, qui ont rêvé du bien-être de leurs concitoyennes et concitoyens, œuvré pour l’érection d’un système de société capable d’éradiquer l’injustice sociale dans son essence, revendiqué une répartition moins dichotomique – nous ne disons même pas équitable, pour ne pas nous verser dans l’utopie – des biens naturels, sont devenus des martyrs de l’inconscience exponentielle.

Le nombre de sacrifiés, en ce sens, est infini.


Tous les peuples du monde possèdent leur bibliothèque de martyrologie et leur musée de martyrs

La nature de l’être humain le pousse toujours à adopter, au détriment de sa vie, des comportements qui vont jusqu’à défier l’absurdité et l’arbitraire ; bref, le « néronisme » satanique… Les fantômes de la Liberté se promènent dans les airs, en attendant le « Jour » de l’accomplissement de leurs Rêves par les générations qui leur ont succédé, le « Moment » solennel où le « Bien », comme dans le cinéma hollywoodien, l’emportera définitivement sur le « Mal » endémique, démoralisateur et destructeur.

Ainsi, pourront-ils, glorieusement, entrer dans l’hémicycle du repos éternel.

Chaque citoyen a donc l’obligation de lutter pour que les droits originels, séquestrés et bafoués, soient restitués aux « dépossédés » de l’insouciance abusive.

Toussaint Louverture (Haïti), le marquis de Condorcet (France), Maximilien de Robespierre (France), Omar Muktar (Lybie) Abraham Lincoln (États-Unis), Martin Luther King (États-Unis), José Marti (Cuba), Ernesto Che Guevara (Cuba), Patrice Lumumba (Congo), Saida Mnebhi (Maroc), Amilcar Cabral (Guinée-Bissau), Oscar Romero (San Salvador), Salvador Allende (Chili)… ont laissé leurs empreintes dans le dur combat pour changer le mode de fonctionnement féodal des sociétés de leurs époques respectives.

Ils ont réfléchi et proposé des pistes de solution… Ils ont lutté et défendu leurs idées… Guevara dirait de préférence « leur vérité ».

Leur croyance et leur foi en un monde meilleur, comme celui par exemple caressé et souhaité par Bertolt Brecht, les ont conduits à la mort.

Le philosophe politique Jean-Jacques Rousseau lui-même reconnaît : « L’homme est né libre, et partout il est dans les fers. »

Nous sommes actuellement dans un carrefour, où la question du « devenir de l’Humanité » doit être posée clairement. Sans circonlocutions.

Et à travers la démarche explicative de la problématique formulée, il faudrait que les gouvernements de chaque pays, en particulier, prennent le temps de dégager le sens des responsabilités sociales, politiques, économiques et culturelles, qui s’inscrivent dans le mandat global qu’ils se sont octroyé eux-mêmes dans leur projet de société ; celui qui leur a permis de se présenter devant leur électorat pour obtenir finalement la légitimation de leur pouvoir et de leur gouvernance.

Il ne faudrait surtout pas croire que les regards affolés de nos préoccupations sociopolitiques et économiques se tournent uniquement vers le Sud pillé, appauvri et affamé

Dans les pays du Nord, les conditions de vie arrivent à creuser des écarts étonnamment disproportionnés entre les nantis et les dépossédés

Les États puissants ont transformé la terre en une scène théâtrale immense, où chaque individu offre l’impression bizarre d’interpréter un rôle tragique dans l’une ou l’autre de ces œuvres de Samuel Beckett, « Malone meurt », « Molloy »et « Murphy ».

Seulement, entre l’asile et le mouroir, il sera toujours difficile pour l’être humain de faire un choix lucide et satisfaisant…